Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ciné-Série : Le blog d'un passionné!
Archives
23 février 2010

Critique : "Le Ruban Blanc"

Palme d'or du dernier festival de cannes, le nouveau film du cinéaste autrichien Michael Haneke se veut comme une réflexion sur l'origine du mal. On peut craindre du "prof" Haneke une approche trop didactique, comme il a souvent tendance à faire. Il n'en ai rien ici. On retrouve tout ce qu'on aime du cinéaste, une réflexion brillante sur la violence et le mal, débarrassé des démonstrations parfois pompeuses de ses précédents films. Un choc!

le_ruban_blanc___photo02

LE RUBAN BLANC de Michael Haneke

Un film du cinéaste autrichien est toujours une épreuve à traverser. Souvent passionnant, on peut malheureusement facilement lui reprocher d'opter pour une approche très démonstrative, théorique, didactique, bref! un vrai prof. Mais sa réflexion sur la violence, le mal, nous amène toujours à s'interroger, se questionner sur ce thème éminemment humain et de notre relation vis-à-vis de celui-ci. Haneke amène aussi souvent à une réflexion sur la violence filmée, le rapport de celle-ci mise en image et de son impact sur le spectateur, du lien qu'il tisse avec celle-ci. Avec son Ruban Blanc Haneke réalise son plus grand film, et se débarrasse de tous ses tics de vieux prof cherchant à nous montrer que par A + B on obtient Z! Si son film reste une démonstration implacable de la naissance du mal, il parvient à donner une ampleur romanesque à son film (si si! Le gros au fond qui a lever les yeux au ciel, à poil contre le mur!) et malgré l'austérité et la rigueur de son film il parvient à instaurer un souffle puissant et une âme à ses personnages qui viennent à nous toucher et nous émouvoir grandement. Telle cette scène où l'un des enfants découvre par la bouche de sa sœur ce qu'est la mort, et que tous sont mortels, même lui ou son papa. Puissante scène où un enfant perd une part de son innocence et découvre donc le vide désespérant de l'existence...

Le film débute en 1913, dans un petit village allemand dont l'histoire nous est conté par une voix-off de vieillard, qui à l'époque n'était qu'un jeune instituteur. Il nous met en garde sur ce qu'il va nous raconter : il ne sait si tout est vrai, on lui a dit certaines choses, entendu par oui-dire d'autres...Lui, cet instituteur, est alors un jeune homme heureux qui vient de rencontrer une jeune fille dont il tombe amoureux, et se voit déjà marié avec elle. La vie traçait sa route, paisiblement. Mais voilà qu'un câble est tendu entre deux arbres, et fait chuter le médecin du village. Il est gravement blessé et doit être hospitalisé en ville. L'on pense alors à une farce idiote. Puis peu après, voilà que le fils du riche propriétaire du village se fait kidnapper et ruer de coups. Puis l'enfant handicapé de la sage-femme se fait bruler les yeux...Une horreur et violence venue et donnée par on ne sait qui s'introduit doucement et gravement dans le village.

le_ruban_blanc___photo01

Tout en lenteur et plan-séquences sublimes en noir et blanc immaculés (superbe photo de Christian Berger), Haneke nous dépeint une violence sourde, brutale, sans raisons, qui vient s'introduire dans ce village et les êtres qui l'habite. Un suspens permanent nous envahit alors sans nous lâcher, ne sachant jamais d'où et par qui l'horreur peut venir, ces décors et paysages en noir et blanc nous semblant être impénétrable à la noirceur du monde...

Puis Haneke nous montre la vie de ce village. Ce pasteur qui accroche un ruban blanc au bras de son fils qui a osé avoir "cédé à l'appel de sa jeune cher", or il doit rester pure. Face à face éprouvant entre le fils et son père où ce dernier pousse à bout le premier à lui "confesser" son geste. L'enfant est alors attaché la nuit, dans son lit, afin de l'empêcher de pouvoir succomber au péché. Ce même pasteur sera également émut aux larmes par son plus jeune fils qui vient lui offrir son oiseau, ce qu'il a de plus cher. Devant nous se dévoile alors l'humain derrière la carapace hermétique du pasteur, mais le voilà qui rapidement se contient, et fait face pour se tenir impassible. Pourquoi une telle exposition de ses sentiments humains? C'est à Dieu de le faire...

le_ruban_blanc___photo03

Ces êtres que nous montre Haneke ne vivent pas dans un village paisible et heureux. Ils sont en enfer. Et les uns essayent d'emmener les autres dans leur noirceur, leur douleur. Tel le médecin, une fois revenue de sa guérison, qui crache au visage de sa maîtresse toute sa haine et le mal qu'il pense d'elle (Cruauté que Bergman aurait apprécié, digne de lui!), afin de la détruire, et cette dernière de lui répondre "Tu dois atrocement souffrir pour être si odieux". Mais le mécontentement gronde, la révolte est là, se sent derrière les visages. Les oppresseurs et oppressés se font face : les paysans qui prennent le mépris et l'indifférence du riche propriétaire sans broncher ; ces parents (tel le pasteur) élevant leurs enfants dans la terreur, de Dieu, du péché, leur rappelant la pureté qu'ils doivent garder. Et ces enfants semblent capable d'encaisser les coups à vie, constamment, en silence. Ces oppresseurs se sentent toujours dans leur droit, agissant pour le bien des autres. Leurs agissements nous montre en fait tout le vide qui les habite, répandant sur leurs "victimes" des sanctions vaines, ne répondant qu'à des mécanismes et logiques ancestrales, dans une vision purement conservatrice et traditionaliste qui cloitre les êtres dans la plus grande terreur et violence insidieuse...

On a bêtement voulu ne voir qu'en Le Ruban Blanc un film sur l'origine du nazisme. Or l'intelligence d'Haneke d'avoir placer son récit au début du XXième siècle, au début de notre époque moderne (les grands changements qui marqueront notre siècle démarrant là), - certes en Allemagne et nous permettant de réfléchir sur l'origine du nazisme, qui ne suffit à être expliquer que par ce que nous montre Haneke (et sa grande intelligence est de ne jamais nous asséner de vérité, et de ne pas donner de réponses précises au spectateur, le laissant tirer les conclusions et réfléchir de lui-même!) - sert ainsi à mieux nous parler de maintenant! Michael Haneke nous montre les totalitarismes de hier, d'aujourd'hui et de demain. Il met en évidence comment ce rigorisme religieux, ce conservatisme, peut en tout temps créer et amener au plus grand mal. Il nous montre comment la violence et l'horreur va s'infiltrer dans le cœur et l'âme des êtres, pour ne plus les lâcher, et nous interroge sur le futur de ces personnes. Que deviendront-ils? A quoi donneront-ils naissance? Où sont-ils aujourd'hui? Ne voir dans ce film que le passé, et ne pas voir qu'il nous parle d'aujourd'hui comme de demain est ne pas prendre conscience de la grande intelligence de ce film. Une Palme d'or méritée, un vrai choc! -ASH-

le_ruban_blanc___photo04

Film allemand, autrichien, français, italien (2h24). Scénario : Michael Haneke. Réalisation : Michael Haneke. Consultant sur le film : Jean-Claude Carrière. Avec : Christian Friedel, Ernst Jacobi, Leonie Benesch, Ulrich Tukur, Ursina Lardi, Fion Mutert, Michael Kranz, Steffi Kühnert, Maria-Victoria Dragus & Leonard Proxauf.


Publicité
Commentaires
Ciné-Série : Le blog d'un passionné!
Publicité
Publicité